Accueil A la une Tinariwen au festival international de Hammamet : Le chant des Hommes du désert

Tinariwen au festival international de Hammamet : Le chant des Hommes du désert

 

Le public qui s’est déplacé en nombre le soir du mardi savait très bien dans quelle aventure il s’apprêtait à plonger. Les mots et la musique résonnent comme un écho d’une liberté, d’une paix et d’une justice.

L’image est toujours impressionnante de voir arriver sur scène ces hommes du Sahara. Les allures, les costumes blancs ou bleu, les turbans, les visages couverts par une étoffe qui les protège des vents chauds du désert et des tempêtes de sable sont un parfait tableau dépeint par des codes identitaires qui racontent une histoire, un parcours et un combat sans pour autant nous placer dans l’exotisme, le cliché et le folklore. Sur la scène de Hammamet, qui vit actuellement sa semaine des sold-out, le groupe, dont la réputation dépasse toutes les frontières, a joué à guichets, fermés, le public, qui s’est déplacé en nombre le soir du mardi, savait très bien dans quelle aventure il s’apprêtait à plonger. Les mots et la musique résonnent comme un écho d’une liberté, d’une paix et d’une justice. Les titres se sont enchaînés créant à chaque fois un soulèvement nouveau, une excitation régénérée, puis un apaisement dans le rythme et dans les mots. Même s’ils nous sont inaccessibles au le sens premier, le sens profond nous parvient telle une évidence. Ils alternent le chant, ils communiquent de l’énergie, ils racontent des histoires, ils exécutent des performances instrumentales. Tinariwen est un Tout dont la proposition trouve sa place dans la programmation d’un festival qui a toujours tenu à sa vocation de scène alternative accueillant des expériences hors des sentiers battus. Et Tinariwen a creusé son sillage dans les sables d’un territoire au cœur des conflits. Car Tinariwen est un groupe dont l’histoire n’est pas anodine, elle n’est pas seulement une expérience musicale, encore moins un genre qui prône tradition et originalité, c’est un mode de pensée, une démarche, une communauté, une famille, une lignée dont l’épopée a commencé par celle de son père fondateur, Ibrahim Ag Alhabib. Fils d’un rebelle touareg, Ibrahim a assisté à l’âge de quatre ans à l’exécution de son père par le gouvernement lors du soulèvement de 1963 au Mali. Grandissant entre les déserts et les camps de réfugiés d’Algérie, Ibrahim était considéré comme un vagabond et un solitaire- on le surnommait «Abaraybone», ce qui signifie «enfant de chiffonniers». Très jeune, il fabriqua sa première guitare à l’aide d’un bidon d’huile, d’un bâton et d’un fil de frein de bicyclette. Il a commencé à apprendre à jouer, s’exerçant à jouer de vieilles mélodies touaregs, des airs pop arabes modernes et le blues malien d’Ali Farka Touré. C’est dans l’oasis de Tamanrasset, dans le sud de l’Algérie, qu’il rencontre Alhassane Ag Touhami, Inteyeden Ag Ableline et Liya Ag Ablil, des Touaregs originaires de la région de l’Adrar des Ifoghas, au Mali. C’est à ce moment-là qu’il reçoit sa première guitare acoustique. Un groupe de musique s’est alors formé sans porter de nom spécifique. Les chansons abordaient des thèmes qui parlaient du mal du pays, la nostalgie, l’exil de la patrie. Et les gens ont commencé à l’appeler Kel Tinariwen, langue tamashek, qui signifie «Les garçons du désert». Cette fusion d’instruments entre ceux des rythmes originaux du désert et le groove des guitares acoustiques a fait naître ce qu’on appelle la musique assouf, qui signifie la solitude, la nostalgie. Une sorte de blues du désert, créé dans l’exil et la souffrance. Cette transhumance de l’esprit Tinariwen a fait de ce groupe un mythe, une sorte de grande famille d’artistes touareg et un mouvement culturel et un courant musical. Jamais figé, toujours ouvert à d’autres membres qui s’y joignent d’une manière permanente ou occasionnelle.  Artistes, musiciens et leaders d’opinion, ils ont toujours gardé les armes à la main et les guitares en bandoulière. Participant activement à la révolution de 1990 au Mali.

D’une scène à une autre et d’un pays à un autre, Tinariwen s’active à créer cet état d’esprit qui envoûte. Le rythme répétitif s’apparente à une transe continue, à un envoûtement qui invite à une danse à la fois rituelle mais aussi révoltée dans le dépassement et l’élévation.

Les hommes dignes du désert, ces artistes dont l’engagement et l’implication dans la cause de leur peuple ne se dissocient pas de leur art, ont secoué au plus profond les âmes des spectateurs, ils étaient un témoin impressionnant de ce que sont l’identité, la culture et les origines que personne n’arrivera à estomper.

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